Disproportion ?

Aujourd’hui, une marche partait de Toulouse pour le site du barrage de Sivens.

Les marcheurs devaient se retrouver à 8h place du Capitole pour un départ vers 9h. Avant même d’y arriver, je croise 3 camions de gendarmes mobiles, en arrivant sur la place, j’en aperçois 6 de plus dans les rues adjacentes.

Je me dis que les marcheurs doivent nombreux pour déployer autant de forces de l’ordre. Erreur.

Marche vers Sivens 01Je m’approche et :

Marche vers Sivens 02Les marcheurs sont à gauche, les journalistes à droite…

Une fois le départ pris, les marcheurs (une dizaine) passent devant 7 camions de CRS.

Marche vers Sivens 03Hélas, ils n’ont pas eu le temps de finir de s’équiper que les marcheurs les avaient dépassés.

Disproportionné ? Oui.

« Nous sommes tous Charlie ! » Ah ? Vraiment ? Part II

La France, donc.

La belle France, fan de la séparation des pouvoirs et de la liberté d’expression. Celle qui passe par-dessus la justice pour fermer des sites Internet (loi antiterroriste du 15/11/2014) car « nous sommes en guerreFace à cette situation de guerre, nous devons manifester notre unité » (E. Ciotti) ? Celle qui n’hésite pas, comme a si bien su le dire le député Alain Tourret du PRG, à « suspendre des libertés démocratiques » ? La France qui remet au goût du jour la censure sur ordre administratif ?

Déjà, après le 11 septembre 2001, lors du vote de la n-ième loi antiterroriste, la LSQ, le sénateur socialiste Michel Dreyfus-Schmidt disait : « Il y a des mesures désagréables à prendre en urgence, mais j’espère que nous pourrons revenir à la légalité républicaine avant la fin 2003« . Nous savons ce qu’il en a été : de nouvelles lois « antiterroristes » (15 depuis 1986) ont été votées sans revenir pour autant à la « légalité républicaine »… Un journaliste se demandait fin 2014 : « l’escalade sécuritaire tourne-t-elle à l’hystérie ?« . D’autant plus que les dispositions antiterroriste s’étendent toujours. Par exemple, le filtrage d’Internet concerne aussi la prostitution ou le Ministère du Budget qui « doit savoir en temps réel qui parle à qui, qui dit quoi, et qui se trouve où, en « sollicitant » en temps réel le réseau. Sans passer par une demande d’autorisation préalable de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. »

Mais voilà que Charlie Hebdo est attaqué le 7 janvier et, dès le 12, la nouvelle loi antiterroriste (pour le 21/01 d’après Valls, la 3e sous Hollande) pointe son nez alors que les précédentes n’ont pas particulièrement brillé par leur efficacité. En matière d’efficacité, un bilan devait être fait fin 2003 de la LSQ d’octobre 2001. Bilan qui n’a, bien entendu, jamais été fait. Donc, comme on ne sait pas si c’est efficace, autant en rajouter une couche en matière d’écoutes, d’arrestations préventives, de censure sur Internet : « Je ne veux plus que, sur Internet, on puisse avoir ces mots effrayants de haine » martelait Valls le 12 janvier. Pensait-il alors à Marie-Claire dans le live du Monde du 7/01 : « Moi, tout ce que je souhaite à vos chers déséquilibrés, c’est douze balle dans le corps, plus une dans la tête » ou à Absurde : « Tumeur cancereuse que les communautes musulmanes, qui effectivement ne partagent aucune culpabilite collective, ont cependant laisse croitre parmi elles dans le deni paresseux et lache du « cela, ce n’est pas l’Islam » » (sic) ? J’en doute…

Les Français se sentiront-ils plus protégés et/ou plus à l’abri grâce à ces multiples lois ? Peut-être. Mais quid de la liberté qui a fait descendre des millions de personnes dans la rue ce week-end ? Les journalistes devraient tous se souvenir des « plombiers » du Canard Enchaîné, de Gérard Davet et Fabrice Lhomme placés sur écoute par Sarkozy, de ces deux derniers et de quatre collègues menacés de mise en examen dans l’affaire Bettencourt, de la bloggeuse Caroline Doudet condamnée à une amende pour avoir critiqué un restaurant sur son blog. On peut également douter de l’efficacité réelle de cet arsenal car, que ce soit les auteurs de l’attaque contre Charlie, ceux de l’attaque Porte de Vincennes ou Merah, ils ont un point commun : ils ont tous été surveillés par la police, la DCRI ou même les Américains.

Nous devrions nous demander où veulent exactement en venir certains comme Christian Jacob : « A circonstances exceptionnelles, il faut une loi exceptionnelle que nous devons voter sans trembler. Pour que les choses soient claires, si nous devions, pour un moment, restreindre les libertés publiques et la liberté individuelle de quelques-uns, il faudra le faire. Le faire en condamnant durement les personnes qui consultent de manière habituelle des sites internet qui font l’apologie du terrorisme. En censurant les sites et les chaînes de télévision qui véhiculent la haine. En autorisant nos services à arrêter des terroristes en puissance dès lors qu’on les soupçonne de préparer une action « . Qui sont ces médias ? Al-Manar ou Fox News ? Rush Limbaugh ou Salman Rushdie ? « Inspire » ou « Charlie Hebdo » ?  Sans compter que cela pose un problème légal et moral (DUDH Art.7 à 11) d’arrêter des personnes « en puissance », « soupçonnées de préparer ». Où commence le soupçon, où commence la « préparation » ?

La liberté d’expression et d’opinion doit être la même pour tout le monde, pour les manifestants contre Sivens (dont les manifestations ont été interdites), comme pour les manifestants pour Charlie. Pour ceux qui applaudissent sur Twitter aux bombardements israéliens sur Gaza, comme pour ceux qui arborent un t-shirt « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » visant Israël. Pour le caricaturiste Latuff, comme pour ceux de Charlie. Et ne pas se contenter de défendre cette liberté seulement et seulement si le contenu nous agrée…

 Alors ? Tous Charlie ?

Cf. www.demotix.com/news/6623062/over-120000-take-streets-toulouse-je-suis-charlie-rally

« Nous sommes tous Charlie ! » Ah ? Vraiment ? Partie I

Si j’ai bien compris le film, tout le monde a défilé samedi comme dimanche pour protester et ou en hommage/en soutien aux journalistes de Charlie Hebdo et pour soutenir/réaffirmer l’importance du droit à la liberté d’expression et d’opinion, oui ?

Je n’ai aucun problème avec ça, étant plutôt un amoureux de la liberté, sauf que, dans la tripotée de diplomates, ministres et autres entourant le Président de la République, il n’y avait pas que des amoureux fous de la liberté d’expression. Dans le désordre :

– David Cameron, Premier ministre britannique, célèbre pour son arrestation du mari de Greenwald et la saisie de tout son matériel informatique, l’entrée fracassante dans les locaux du quotidien The Guardian et la destruction de certains de ses PC et disques durs sous la direction du GCHQ. D’ailleurs Cameron se propose (une fois de plus, comme tous les Occidentaux) de durcir encore et encore les lois dites anti-terroristes. Cameron, dont la police se permet d’afficher ceci sur Twitter :

Featured photo - With Power of Social Media Growing, Police Now Monitoring and Criminalizing Online Speech

– Benjamin Netanyahu, Premier ministre de « the only democracy in the Middle East« . Netanyahu est persuadé que les Palestiniens ne peuvent pas être journalistes surtout s’ils travaillent pour le groupe Al-Aqsa donc autant en tuer certains (quatre en 2014). Qui a fait arrêter un journaliste, Abbed Rabo, pour avoir écrit « occupied Jerusalem » sur Facebook. Faut dire qu’il peut donner des leçons à tout le monde puisque son pays est 96e pour la liberté d’expression dans le classement RSF.

– Petro Poroschenko , »l’empereur du chocolat », qui croque les journalistes confits avec délice Il les a encore plus aimés durant sa campagne. Même l’OSCE se fait un peu de souci, c’est tout dire. RSF aussi puisque l’Ukraine est quand même 127e dans leur classement 2014.

Je passe bien évidemment sur ceux (Russie, Congo, Hongrie, les Émirats arabes unis, etc.) dont Le Monde et Mediapart rappellent le brillant parcours en matière de liberté d’expression, pour m’intéresser à l’un de mes favoris, Eric Holder, ministre US de la Justice et pilier de l’administration Obama.

 

Obama, dont l’administration a poursuivi et poursuit plus de whistleblowers, de bloggers, de journalistes que TOUTES les autres administrations réunies depuis 1917. Les USA ont d’ailleurs perdu 14 places en un an dans le classement RSF !

Au hasard, le prix Pulitzer 2005 et ex-chef des infos chez FoxNews : James Rosen, régulièrement menacé de prison par Holder Eric (la dernière fois en juin 2014), défenseur de la liberté d’expression en France et moins chez lui. Il a, par exemple, ordonné la mise sur écoutes de plus d’une vingtaine de lignes d’Associated Press pendant plusieurs mois. Écoutes rendues publiques par le PDG d’AP, Guy Pruitt. Ou ce blogger de l’Alabama qui a passé cinq mois en prison pour rien, enfin presque : il est spécialisé dans les histoires de corruption

D’autres journalistes ont eu ou ont encore à faire avec Holder et l’administration Obama comme Barton Gellman (obtention de ses relevés téléphoniques), ou Laura Poitras détenue plusieurs heures chaque fois qu’elle revient aux USA (elle travaille sur les documents Snowden), ou les journalistes C.J. Chivers et Mac William Bishop du New York Times (enquêtes au Yemen), ou Ryan Devereaux, arrêté lorsqu’il couvrait les émeutes de Ferguson, etc. Ceux qui voudront en savoir plus sur Holder et son amour de la liberté d’expression iront sur Human Rights Watch, The Intercept, The Guardian, sur le Comittee to Protect Jounalists, Reporters sans Frontières

Fin de la partie I

A suivre Part II : la France

Charlie mais pas seulement…

« Je suis Charlie » mais pas seulement car je suis aussi :

– TOUS les journalistes tués dans l’exercice de leur fonction en 2014 et avant

– TOUS les journalistes emprisonnés, y compris par nos amis, comme Poroschenko/Yatseniuk ou le Maréchal Al-Sissi.

– TOUS les journalistes empêchés ou gênés dans leur travail par leurs gouvernements comme Nicky Hager (poursuivi en Nouvelle-Zélande pour son travail sur Snowden); James Risen (Prix Pulitzer 2005 menacé régulièrement de prison par l’administration Obama), Ayman Mohyeldin (correspondant NBC à Gaza), etc.

– TOUS les journaux interdits, fermés, surveillés, empêchés de faire leur travail sur la planète.

 

Manif (encore) interdite

N’y-a-t’il pas antinomie entre « protester contre les règles établies » et « demander l’autorisation de protester » contre ces règles ? Autrement dit, n‘est-il pas étrange qu’un mouvement de contestation dirigé contre l’État et/ou de ses politiques (ici, le barrage de Sivens et l’utilisation des forces de police)  doive soumettre pour autorisation son projet de manifestation à ce même État par le biais du préfet ??

      Et c’est tant mieux si la manifestation autorisée « contre le barrage de Sivens et la violence policière » appelée par des partis et des syndicats n’a réuni que 200 à 450 manifestants (selon les sources) alors que « l’interdite » a rassemblé entre 2000 et 4000 manifestants (selon les sources). Les partis/syndicats _ qui n’ont pas été présents sur la ZAD de Sivens depuis le début de la protestation_ ont tenté de jouer la séparation pour récupérer cette colère et surtout la canaliser à leur sauce, comme le prône J.C. Sellin du Front de Gauche « il faut que les organisations démocratiques reprennent en charge l’expression du mouvement » . Perdu !

       Précisons que les premiers (avec drapeaux mais sans trompettes ni tambours) ont fait leur trajet en une heure chrono et qu’une délégation a été reçue par le Préfet alors que les seconds (pourtant sans drapeaux mais avec trompettes) ont battu le pavé pendant plus de trois heures. Et qu’eux tous ont été aussi reçus par le Préfet, du moins, par ses subordonnés en la personne des CRS, BAC et autres gendarmes mobiles, dès l’arrivée des premiers clowns…

      Enfin, il semble qu’une partie des badauds de la manifestation « interdite » soutenait les manifestants. Certains(nes) ont plutôt été véhément(e)s malgré leur (petit) gabarit pour exiger des CRS qu’ils laissent ces manifestants manifester paisiblement…

Cf. www.demotix.com/node/6319948